C-RC : Quel est le sujet principal dans votre travail et quels thèmes explorez-vous ?
Anaïs Lelièvre : En premier lieu, la transcription de dynamiques spatiales, qui trouvent leur source dans l'Histoire, la géologie, l'architecture... Comment les formes, même d'apparence inertes, - comme une pierre, une maison, un mot - sont traversées de processus complexes. Y porter attention, s'immerger dans leurs détails, jusqu'à s'y perdre. Perdre ses repères corporels, conceptuels et orthonormés, pour s'ouvrir à d'autres échelles, spatiales et temporelles, de l'immense à l'infime.
C-RC : Quelle est votre œuvre d’art favorite ?
Anaïs Lelièvre : En ce moment, Les Furtifs de Damasio.
C-RC : À quoi ressemble votre lieu de travail – votre atelier ?
Anaïs Lelièvre : Un espace changeant, modulaire, autant ponctué d'oeuvres de toutes parts, que mes dessins de lignes foisonnantes.
Entre l'ancrage de la grotte, l'invention d'une autre "maison", la profusion de choses en germe, un grand corps qui assimile et transforme, un antre en latence et en gestation...
C-RC : Votre lieu préféré ou l’endroit qui vous inspire le plus ?
Anaïs Lelièvre : L'Islande, ses volcans, entre montagnes et magma souterrain, entre l'altitude infinie de l'éruption et l'énigme du lointain dessous de la terre, entre le noir minéral et le blanc neige, l'immobilité et l'intense ébullition...
C-RC : Quels sont vos matériaux de prédilection ?
Anaïs Lelièvre : Depuis l'Islande, le sujet de la pierre et ses changements d'état, du magma incandescent à la pierre de lave. L'argile permet d'en aborder les mutations, en quelque sorte en accéléré, entre viscosité, souplesse et dureté du roc après cuisson. Produire une céramique, c'est créer des formes minérales et prendre en main leur process génétique, participer corporellement de porosités, friabilités, stratifications, éclatements, constructions... Après une période intense d'installations de papier, de pvc et de métal imprimés de dessin, mon matériau actuel est l'argile, et en particulier la porcelaine, pour sa douceur et ses caprices, sa force de réactivité et l'expression de ses fragilités.
C-RC : Que nous raconte votre exposition ?
Anaïs Lelièvre : L'Espace Villeglé accueille ma première exposition personnelle dédiée uniquement à la céramique, encore et toujours traversée par le dessin, qui à la rencontre de cette matière informe, se fait de plus en plus écriture, geste d'inscription. L'agencement des oeuvres retracera une évolution dans l'attention au sol et au monde souterrain : volcanisme, fracture, séisme, mais aussi ressource de construction, donnant lieu aux formes de la "maison" comme du langage.