Pouvez-vous nous en dire plus sur les œuvres qui seront présentées lors de l’exposition ?
Le travail présenté lors de cette exposition est la continuité d’un projet qui s’est amorcé en 1993. Je représentais la France à la Biennale de Venise et j’avais à l’époque tapissé tout le Pavillon français de carreaux de céramique flanqués d’un crâne humain du Néolithique. Cette représentation crânienne n’a pas pour vocation de représenter la mort mais plutôt ce qui nous structure, notre être. C’est ma façon de dire « je suis un être humain au XXIème siècle ». Ce type d’œuvre est appelé « Vanité ». Cela évoque le face à face de l’homme avec lui-même, la vie humaine et son caractère éphémère. Une idée qui a beaucoup été exprimée dans les travaux d’artistes du XVIIème siècle.
Pour moi, il s’agit de montrer l’artiste qui réagit face à son époque : qu’est ce qu’un artiste face au temps de notre existence, qui passe et qui est finalement si dérisoire ? Le vrai dialogue, c’est un travail avec l’artiste lui-même, mais cela concerne tout le monde. Le crâne renvoie à l’humain dans son ensemble, c’est universel.
Je vais montrer à Saint Gratien une sorte de concentré de signaux montrant cette immédiateté et comment l’artiste rencontre son public à travers ce thème. Car l’artiste est surtout un être humain. C’est le crâne le héros ! Il s’agit d’une femme en plus… C’est une convocation autour de ce reste humain dont l’original sera également présenté. Le public sera donc confronté directement à l’œuvre centrale, en plus de ce que l’artiste peut en faire, c’est assez émouvant. Tout cela n’est que prétexte à parler de l’être humain, c’est ce qui m’intéresse dans l’art. L’art est quelque chose qui vient nous confronter à des choses pour lesquelles nous n’avons pas de réponses…Mais l’exposition sera je pense très accessible, pas hermétique comme l’art contemporain peut paraître parfois. Un petit film et de la documentation sur moi et mon travail seront également présentés.
Pourquoi avoir confronté ce crâne humain a un matériau comme la céramique et de petits objets du quotidien?
La céramique est un matériau qui peut paraître froid, qui est très clinique. Mais pour ma génération c’est aussi quelque chose qui évoque une certaine représentation du monde aliénant, qui évoque une hygiène mentale. À la manière d’un hôpital, il crée de la distance mais évoque aussi beaucoup d’humanité.
Par ailleurs j’essaie d’exprimer ce qu’on peut trouver dans les sociétés primitives, de petits objets, des ornements. C’est une façon d’ornementer, de donner un certain éclat à cette chose très forte qui est un crâne humain. Il y a comme une rencontre entre frivolité et gravité, d’autant que j’utilise des couleurs très fraiches, des jouets d’enfants…
Enfin, il paraît que vous connaissez bien Jacques Villeglé…
Je connais Jacques Villeglé depuis plus de 50 ans. Nous nous sommes rencontrés en 1963 lors d’une exposition intitulée « Le salon des comparaisons » organisée au musée d’art moderne de Paris. Il faisait partie du comité de cette exposition et il a cru en moi, ce qui m’a permis d’y participer, grâce à lui. Il y avait de très grands noms, comme Picasso. Pour un jeune artiste comme moi c’était une entrée par la grande porte. C’est un grand artiste de l’art contemporain et nous nous estimons beaucoup. Dans un lieu d’art contemporain qui porte son nom il devrait donc y avoir de bonnes vibrations !