Pierre Marie Lejeune, vous exposez à Saint-Gratien un an après l'exposition de sculptures organisée pour Jacques Villeglé. Accordez-vous à cette exposition une valeur particulière ?
Une valeur particulière certainement... Une valeur symbolique aussi dans le sens où notre travail interpelle les symboles. Jacques Villeglé est un artiste qui travaille plus dans la couleur et la polychromie, mais c'est aussi un collectionneur de signes. De mon côté, je développe une collection de formes. C'est dans la création de ce répertoire que se situe la passerelle entre nos deux créations...
Votre parcours est marqué par une collaboration avec Niki de Saint-Phalle. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
Je l’ai connue assez jeune: j’avais 25 ans. Et elle est la première artiste que j’ai rencontrée. Il s’est trouvé que j’avais fuit les Beaux Arts de Paris assez rapidement parce que j’en avais fait le tour et je n’avais pas trouvé d’atelier où je me sentais bien. J’ai rencontré Niki que j’ai aidée à peindre la fontaine Stravinsky. Et par la suite, elle m’a invité quand elle a lancé le jardin des Tarots en Italie. C’est un projet que j’ai suivi pendant plusieurs années et Niki de Saint-Phalle est celle qui m’a donné ma première commande et j’ai lancé la création du mobilier en terre cuite qui prend une forme organique et sort des rochers. C’est un travail qui m’occupé plusieurs années de façon séquentielle et j’allais sur place 4 à 5 fois par an par sessions d’une semaine…
Elle est donc au départ de l’aventure ?
Elle est au départ de l’aventure parce que être dans son cercle et celui de Tinguely, m’a de facto immergé dans le monde de « l’Art en train de se faire ». Etre artiste, je n’imaginais pas ce que cela impliquait. C’est un univers que je ne connaissais pas du tout. Cela m’a appris à avoir une grande obstination, une manière d’être plus qu’un métier. Il y a une espèce d’obsession qui ne vous lâche jamais quand vous êtes artiste et il n’y a pas d’autre moyen d’y arriver. Il faut être extrêmement sérieux et surtout ne pas trop écouter ce que l’on vous raconte, surtout dans les premières années.
Je vais revenir à l’Espace Villeglé, un lieu particulier, un lieu ouvert. La lumière qui y règne influence aussi votre travail ?
C’est évident. L’Espace Villeglé est d’abord un espace complètement urbain. Il a en plus la particularité d’être situé dans un ensemble d’immeubles construits autour d’une grande place carrée - Sur cette place il y des restaurants, un café, des boutiques. C’est un lieu de vie. Ce n’est pas un musée qui serait excentré. C’est un lieu au coeur de la ville. J’ai vue trois expositions ici. Pour chacune d’elle, j’ai vu un lieu différent. Ce lieu a des possibilités très intéressantes par ses volumes.
Vous avez pensé aussi à la communication des oeuvres avec l’extérieur ?
Oui, c’est un peu comme une immense vitrine. On y voit les oeuvres le jour et, grâce à un éclairage, aussi la nuit. L’Espace Villeglé fonctionne de cette manière : on peut rester à l’extérieur et voir l’exposition.
Quand on parle de la lumière et de cette résonance particulière, pour cette exposition à Saint-Gratien, vous avez travaillé avec Jean-Pierre Hugué, à la création d’un livre-objet. Quel est l’historique de ce choix ? Et si c’était pour vous l’occasion de réaffirmer l’importance de la forme ?
Oui. C’est quelque chose de particulier et bien plus intéressant qu’une simple brochure.
Je souhaitais produire quelque chose qui ne soit ni un catalogue ni dans le champ de l’analyse critique. On est dans une démarche plus proche de la sculpture puisqu’il s’agit d’un objet. Comme un objet on peut le poser sur un plan. Jean-Pierre Hugué est un très bon accoucheur d’artistes. Il te fait des propositions parce qu’il comprend très bien ta démarche. Au lieu de faire un énième catalogue il te remets dans la création.
Il y a aussi un autre élément dont nous n’avons pas parlé. Voilà déjà un moment que je souhaitais proposer la création d’une sorte de « container sombre» au sein d’une exposition, pour pouvoir présenter des pièces lumineuses. J’ai pu le faire ici… Pour la forme et le positionnement de cette « boite » nous avons repris le basculement d’une de mes sculptures, Max, comme les blocs de roche en Bretagne devant le sable. Cet espace dans l’exposition est un lieu privilégié, plus intime. Et il y a quelque chose que j’aime beaucoup, c’est que nous sommes obligés de baisser la tête pour y entrer. Cela veut dire que l’on entre vraiment ailleurs ! Que c’est un autre espace à l’intérieur de l’espace. C’est une vraie opportunité que j’ai eue ici de pouvoir réaliser cette idée.